Demande de permis de construire : silence de la commune et permis de construire tacite

Justifit Avocat

Il est des situations dans lesquelles le demandeur à un permis de construire n’obtient pas de réponse de la part de l’Administration (généralement la commune) à l’issue du délai d’instruction : dans ce cas, le permis de construire lui est-il accordé tacitement ? Comment se prévaloir d’un permis de construire tacite et sécuriser une opération ? Éléments de réponse.

Demande de permis de construire : silence de la commune et permis de construire tacite

Quel est le délai d’instruction d’une demande de permis de construire ?

Tout d’abord, le délai d’instruction de droit commun d’une demande de permis de construire, est défini à l’article R. 423-3 du Code de l’urbanisme ; ce délai est de :

  • 2 mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle ;
  • 3 mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d’aménager.

Toutefois, certaines hypothèses donnent lieu à un délai d’instruction différent des délais de droit commun.

Ainsi, l’article R. 423-24 du Code de l’urbanisme majore d’un mois le délai d’instruction de droit commun dans certaines hypothèses, notamment lorsque le projet est soumis à un régime d’autorisation ou à des prescriptions prévus par d’autres législations ou réglementations que le Code de l’urbanisme ou encore lorsque la décision nécessite une dérogation aux règles du PLU ou du document en tenant lieu.

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Une demande de renseignement de la commune a-t-elle un effet sur le délai d’instruction ?

En principe, la déclaration du caractère complet d’un dossier de demande de permis de construire fait obstacle à ce que le service instructeur puisse solliciter la communication de nouveaux éléments.

En effet, comme le prévoit l’article R. 431-4 du Code de l’urbanisme, dès lors qu’une demande de permis de construire est complète, « aucune autre information ou pièce ne peut être exigée par l’autorité compétente ».

Ainsi, même dans l’hypothèse où le service instructeur entendrait solliciter de nouveaux éléments après l’expiration du délai d’instruction cette demande de communication n’aura aucune incidence sur le délai d’instruction, lequel a commencé à courir à compter de cette déclaration (article R. 423-41 du Code de l’urbanisme).

A fortiori, il appartient au service instructeur lorsqu’il entendrait prolonger le délai, de le préciser expressément au demandeur.

Dans quels cas puis-je obtenir un permis tacite ?

Le silence gardé par l’autorité administrative à l’expiration du délai d’instruction porté à la connaissance du demandeur fait naître un permis de construire tacite.

Aux termes de l’article L. 424-2 du Code de l’urbanisme, « Le permis est tacitement accordé si aucune décision n’est notifiée au demandeur à l’issue du délai d’instruction ».

Dans le même sens, l’article R. 424-1 du Code de l’urbanisme prévoit en effet qu’à défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction déterminé, le silence gardé par l’autorité compétente, vaut, selon les cas :

  • Décision de non-opposition à la déclaration préalable ;
  • Permis de construire, d’aménager ou de démolir tacite.

La jurisprudence administrative a déjà eu à de nombreuses reprises l’occasion de confirmer cette solution (CAA de Paris, 4 mai 2018, n°17PA01548 ; CE 26 octobre 2012, Commune de Saint-Jean-Cap-Ferrat, n°350737 ; CE 20 janvier 2016, SARL Béoletto, n°384487).

Cependant, en cas de permis tacite, l’article L. 424-6 du Code de l’urbanisme permet à l’autorité compétente de fixer par arrêté les participations exigibles du bénéficiaire de l’autorisation dans un délai de deux mois à compter de l’intervention dudit permis.

En revanche, rappelons qu’il ne peut y avoir de permis de construire tacite dès lors que l’administration l’a expressément refusé, y compris à l’égard d’autres personnes qui auraient demandé un tel permis de construire (CE, 2 avril 2021, Société Serpe, n°427931).

Quelles sont les exceptions au permis de construire tacite ?

Par exception à la solution qui vient d’être énoncée, l’article R. 424-2 du Code de l’urbanisme énonce les hypothèses – qui sont limitatives – dans lesquelles le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut décision implicite de rejet.

Autrement dit, cette fois, le silence gardée par la Commune vaut rejet, et non pas acceptation, de la demande de permis de construire.

Par ailleurs, et toujours par exception, le défaut de notification d’une décision expresse dans le délai d’instruction vaut également décision implicite de rejet lorsque la décision est soumise à l’accord de l’architecte des Bâtiments de France et que celui-ci a rendu sur le projet un avis défavorable ou un avis favorable assorti de prescriptions (article R. 424-3 du Code de l’urbanisme).

Puis-je commencer les travaux après un permis de construire tacite ?

Le permis de construire tacite dispose de la même valeur juridique qu’un permis de construire classique.

Par conséquent, les travaux peuvent être entrepris.

Plus encore, le permis tacite emportant les mêmes effets et obligations qu’un permis tacite, les travaux doivent en principe être entrepris dans les trois ans suivant l’obtention du permis de construire (article R. 424-17 du Code de l’urbanisme), étant entendu qu’une construction est considérée comme « entreprise » dès lors qu’il y a mise en œuvre d’une dalle en béton et commencement des maçonneries des murs.

Autre précision importante, une fois le permis tacite obtenu, le pétitionnaire doit notamment procéder à un affichage sur le terrain pendant toute la durée des travaux.

Enfin, on précisera qu’un recours contre le permis de construire tacite est possible, notamment à l’initiative des voisins de l’opération.

Comment sécuriser mon opération ?

Lorsque le pétitionnaire se trouve dans une hypothèse où le silence de l’administration vaut permis de construire tacite, il peut solliciter la délivrance d’un certificat de permis de construire.

La mairie du lieu d’implantation du projet est en effet tenue de délivrer ce certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit, en vertu de l’article R. 424-13 du Code de l’urbanisme.

La commune ne peut donc en principe refuser de délivrer un tel certificat.

Et le refus de délivrance de celui-ci constitue une décision faisant grief, susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (CAA de Paris, 29 octobre 2019, n°19PA00220).

Que faire si la commune refuse de me délivrer un certificat ?

En cas de refus – même implicite – de l’Administration de faire droit à une demande de délivrance du certificat, le pétitionnaire pourra saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation de la décision de rejet du permis de construire.

Il reste que, dans le cadre de cette action, le juge administratif se prononce dans un délai relativement long (généralement entre 8 et 14 mois selon les tribunaux), ce qui peut mettre en péril l’opération projetée.

Aussi, ce recours peut alors être accompagné d’un référé suspension, dès lors que l’urgence le justifie.

L’urgence peut par exemple être constituée par le fait que ce délai long d’instruction peut préjudicier gravement aux intérêts du titulaire du permis de construire tacite. En particulier, c’est le cas lorsque la décision va avoir des répercussions financières importantes : coûts afférents à la suspension de l’opération, surcoûts liés à l’expiration des devis, impossibilité de réaliser l’opération…

En plus de l’annulation des décisions de refus, le pétitionnaire pourra solliciter du juge administratif qu’il prononce une injonction à l’encontre de l’administration, tendant à la délivrance de ce certificat, et partant du permis de construire en cause (CAA de Paris, 29 mars 2018, n°17PA00622 ; Avis du CE 25 mai 2018, n°417350, confirmé par Avis du CE 8 avril 2019, n°427729).

Ce mécanisme d’injonction est valable autant dans le cadre d’une procédure au fond que d’un référé.